Une si jolie petite fille

Géraldine Barbe, Gitta Sereny

Plein Jour

  • Conseillé par
    22 mai 2015

    Intelligent et passionnant

    Certes, il y a bien eu une part de curiosité morbide pour guider mes pas vers cet ouvrage, mais cette impulsion initiale s’est, dès la lecture des propos introductifs de l’auteur, dissipée. Car si je me suis d’abord inquiétée en découvrant qu’elle en était à son deuxième livre sur le sujet (paru dans son édition anglaise en 1998, soit 26 ans après le premier), au point de me demander si ce n’était pas là le sujet auquel elle avait consacré sa vie, j’ai cessé de m’interroger sur la qualité de ses motivations en appréhendant le caractère profondément sensible et humain de sa démarche, à mille lieues des projets racoleurs de la presse à scandales.
    Gitta Sereny était convaincue qu’il lui fallait, pour mieux s’approcher de la vérité, remonter dans l’enfance de Mary Bell et elle ne concevait pas de prolonger ses investigations sans entrer en contact avec la jeune femme :
    « J’ai donc espéré pendant dix-huit ans écrire le livre que je vous présente, dans lequel Mary Bell, une fillette de 11 ans exceptionnellement intelligente, libérée à 23 ans, aujourd’hui âgée de 40 ans, nous parle. », explique-t-elle.
    C’est donc en compagnie de la coupable que l’auteur revient sur les crimes et ce qui les a précédés, avant de nous présenter ce que fut la vie de Mary Bell après, durant ses années d’incarcération, et ce qu’elle est maintenant.

    Gitta Sereny n’use d’aucun effet de manches (l’essentiel de ce qu’elle va développer est annoncé dans l’introduction) pour tenir son lecteur en haleine, comme le font les spécialistes aux Etats-Unis de récits basés sur des histoires criminelles vraies et ne sombre jamais dans le voyeurisme (« Je ne m’attarderai sur aucun des horribles et inutiles détails de ces crimes », précise-t-elle). Mais cela n’empêche pas son récit d’être prenant de bout en bout, parce que nous aussi nous nous demandons, comme ce fut le cas pour elle, comment de tels faits ont été possibles, comment une petite fille en arrive à tuer, si elle a vraiment conscience de ce qu’elle fait, et comment elle peut ensuite vivre (survivre) avec le poids de ses actes sur son existence et en ayant elle-même, plus tard, un enfant.

    A toutes ces questions, le livre répond, fouillant au cœur d’une jeune femme (qui, pour au moins l’un des crimes, restera longtemps dans un quasi déni) dans une cathartique et salutaire démarche, à la lumière d’entretiens parfois éprouvants (les souvenirs qu’a Mary Bell des abus qu’elle a subis enfant finiront par remonter au jour), qui constituent un fil rouge au sein des pages exposant les résultats des recherches menées par l’auteur.
    Dans cette enquête, psychologie et sociologie sont largement mises à contribution car côtoyer Mary Bell, c’est aussi côtoyer son milieu d’origine (sa mère en particulier, qui tire profit du battage médiatique autour de l’affaire), puis ceux dans lesquels elle a vécu, occasion pour Gitta Sereny de critiquer le système juridique en vigueur dans son traitement des mineurs ayant commis des crimes. Pour autant, les victimes de Mary Bell ne sont pas oubliées, qu’il s’agisse des deux enfants tués mais aussi de leurs familles, vis-à-vis desquelles elle continue à porter le poids de sa culpabilité.

    Un document intelligent et passionnant.


  • Conseillé par
    14 janvier 2015

    En 1968, à Newcastle en Angleterre, deux enfants de trois et quatre ans sont assassinés. Deux fillettes Mary et Norma qui habitent le quartier sont arrêtées. Mary âgée de onze ans est reconnue par un tribunal comme la meurtrière et jugée comme une adulte sans que que l'on fouille dans sa vie d'enfant pour tenter de trouver un début d'explication à ses actes. La journaliste Gitta Sereny avait suivi ce procès et avait écrit un premier livre. Libérée à vingt-trois ans, Mary est fracassée. Trente ans plus tard après les faits alors qu'elle est maman d'une petite fille, elle accepte pendant de nombreux mois de répondre aux questions de l'auteure.

    Ces entretiens retracent la vie de Mary. Des meurtres à ses emprisonnement dans des structures pas adaptées pour une fille de son âge, la prison, l'attitude de sa mère qui vendait aux tabloïds de fausses lettres de sa fille. Mary cherche souvent à ne pas répondre aux questions ou alors elle se contredit. Ses souvenirs ne sont pas forcément exacts et Gitta Serena s'est appuyée sur des déclarations et des témoignages de personnes pour pouvoir clarifier et élucider certaines zones d'ombre. On découvre la relation ambiguë entre Mary et sa mère, les souffrances enfouies de son enfance qui sont effroyables mais aussi ce qu'elle a vécu durant le procès et ses emprisonnements. Ce portait n'oublie pas la peine des famille des victimes et surtout ne tente pas à innocenter Mary.
    Grâce à ces entretiens, Mary a enfin admis sa responsabilité et a pu mettre des mots pour la première fois sur ce qu'elle a subi enfant.

    Loin de toute forme de sensationnel ou de mise en scène du glauque, Gitta Sereny met en avant les défaillances d'un système judiciaire et carcéral en vigueur à l'époque. Mais cette enquête traite aussi de la rédemption et du pardon.
    Troublant et saisissant !